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Shara

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les avis de Cinemasie

8 critiques: 3.44/5

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27 critiques: 3.32/5



Yann K 4 Beau geste
Xavier Chanoine 4 La danse de l'oubli
Tenebres83 2.5
Ordell Robbie 4.25 Parade de premier choix
MLF 2
Junta 3.5 Etrange
Ghost Dog 3 Joliment intimiste
Aurélien 4.25 Présences sensibles
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


Beau geste

Shara est comme un cadeau : c'est surtout le geste qui compte, un beau geste de cinéma. Le film a des envies de beauté, une photo miraculeuse, une sensibilité à fleur d'objectif, un son tout doux, et des plans séquences portés bluffants dans leur petite économie. Ce n'est pas l'hyper-maitrise de Elephant, dans un même registre "regard divin et distancié" mais sur quelques moments, le fond et la forme atteignent un petit nirvana sans forcer, sans chercher le "grand" sens, l'épate pour cinéphile. Les plans d'ouverture et de fermeture, véritables opéra minimalistes, la discussion entre la mère et la fille, le baiser tout mignon entre les deux ados, les séquences de la fête et de l'accouchement sont des blocs d'une rare pureté. D'autres plans sont trop étirés, se cherchent ou sont en trop. Shara aurait été encore meilleur sous forme de petite bombe ramassée en une poignée de plans séquences. Il aurait également gagné à dire encore moins de choses, lui qui n'est déjà vraiment pas causant. L'histoire du frère "retrouvé" nous embrouille, alors que les silences, les maisons vides nous racontent beaucoup en toute limpidité.

20 mars 2004
par Yann K




La danse de l'oubli

Shara ne se différencie pas complètement d'un Suzaku dont il partage une certaine parenté. Cette parenté d'une famille incapable de faire le deuil, ici de leur enfant disparu voilà cinq ans, de manière totalement anodine. Tandis que Suzaku posera le deuil que bien plus tard (pour la disparition de Kozo), Shara le fait dès les premières quinze minutes, comme pour soutenir tout au long de ces 100 minutes la douleur d'une famille, d'un fils incapable de se séparer de l'image de son frère, lequel lui dressera un portrait grandeur nature, une nature morte. Kawase Naomi réussit là où on ne l'attendait pas forcément. Si la photographie est toujours tout en contraste jusqu'à l'aveuglement, sa caméra se place bien mieux qu'à l'accoutumé, captant en quasi-live chaque séquence, volée, et la fait tenir debout avec brio, en témoignent les tours du force introductifs en plans-séquences, troubles et mystérieux. Un son de clochette (récurrent, déjà entendu dans au moins 2 de ses films), deux gamins qui jouent avec un saut d'encre, et une fuite. La caméra les poursuit, se perd, les retrouvent et ne les lâchent plus, jusqu'à ce que le pire arrive.

La cinéaste joue alors de son recul face à une situation quasi désespérée, et même si elle se filme en tant que mère, filme sa famille, puis une autre, l'absence pesante du fils se ressent par les excès de rage de son autre enfant, incapable d'entendre raison dans une séquence poignante où ce dernier nie la disparition de son frère, retenu par les bras solides d'un père lui aussi abattu mais mature et conscient. Cependant il continue à aller de l'avant. La patte purement visuelle de la cinéaste, reconnaissable parmi cents du fait des nombreux gros plans sur les "enfants" de son potager, fleurs et jeunes pousses évoquant la naissance, la vie, (thème qu'elle poussera à son paroxysme 3 ans plus tard dans l'impudique Naissance et maternité) amène aussi à l'attachement que l'on éprouve à ses travaux. Mais toute la douleur accumulée par la disparition de Kei disparaîtra partiellement grâce à l'évènement même de la ville de Nara, la fête du Basara, et permettra à ses hôtes de voir le véritable côté des choses et de prendre un tout nouveau chemin pour l'avenir, tout comme la naissance d'un nouveau petit frère pour Shun en fin de métrage. Et cette parade, d'une puissance rare, est accentuée par la férocité d'une pluie battante, n'empêchant pourtant pas les festivités de continuer car cette rage est au fond de chaque être dansant, la pluie et les gênes climatiques ne sont qu'en surface. Et cette parade de rassembler aussi les coeurs, menée par Yu, déterminée. Un film coup de poing.



13 juillet 2007
par Xavier Chanoine




Parade de premier choix

Le cinéphile à la recherche du tour de force, de la "leçon de mise en scène", de la "scène d'anthologie" dont il décortiquera chaque effet de montage et chaque cadrage ne trouvera rien de tout cela dans Shara. A sa manière tout sauf tapageuse, Shara apporte pourtant du neuf sous le soleil du cinéma japonais. Sa seule leçon, c'est celle d'un cinéma attentif. Et qui en étant attentif réussit à capter de purs moments de grace.

Toute la clé de Shara est dans la superbe séquence de la parade : une fete japonaise traditionnelle qui pourrait paraître aussi usée et datée qu’une fete de rue d’une ville de la France profonde mais investie de vie par les nuances dans les regards des spectateurs, des caméras portées pleines d'énergie, quelques mouvements furtifs de focale et une averse impromptue. Ou comment rendre la tradition vivante en la revisitant pour l’emmener ailleurs. Les situations de Shara ne sont en effet rien d’autre que du mille fois vu dans le cinéma japonais, presque de « l’estampillé japonais pour grand festival » : ces appartements traditionnels, ces diners en famille, ces moments intimistes, tout ceci n’est qu’un creuset mille fois arpenté par les cinéastes de l’age d’or (Naruse, Ozu) et leurs héritiers ; quant à l’idée de disparition, rien que du déjà vu chez Teshigahara ou Kurosawa Kiyoshi. Sauf que si Kawase n’arpente pas des territoires neufs, elle permet à ceux-çi d’etre féconds en les arpentant autrement. Là où l'aspect contemplatif Suzaku était principalement marqué par le passé de photographe de Kawase, Shara semble plutot découler de sa veine documentaire. On y tourne autour de moines bouddhistes en prière, la caméra y suit deux gamins qui courent en étant légèrement en retrait : ici, le style caméra à l’épaule, bien loin d’un certain formatage du cinéma d’art et essai aussi navrant que celui des blockbusters, manifeste l’amour que Kawase ressent pour ses figures du quotidien d’une petite ville nipponne, son désir de capter immédiatement tous les détails de leur quotidien, sa volonté d’etre attentive à un morceau de nature, au tracé d’un couloir ou à des portes s’ouvrant au passage de la caméra.

A un enregistrement contemplatif de la réalité (trop…) attendu dans un film japonais, Kawase substitue l’enregistrement dans l’action, comme si le désir de filmer la vitalité consécutif à un Lettre d’un Cerisier Jaune en Fleurs qui montrait la mort à l’œuvre trouvait une traduction directe dans sa forme. Et si la séquence d’ouverture donne l'impression que la cinéaste se regarde filmer, Kawase n’hésite pas le reste du temps à ajouter une certaine ampleur à sa mise en scène. Shara élague également les défauts qui rendaient Suzaku rébarbatif malgré quelques beaux moments de cinéma : le film est bien réglé d’un point de vue rythmique, la photographie est moins originale mais permet au spectateur de s’impliquer émotionnellement, le film a un déroulement quotidien mais évite les répétitions, leur préférant une variété révélatrice des changements progressifs à l’intérieur de la cellule familiale et là où Suzaku voulait briser la frontière fiction/documentaire, Shara est plutot une fiction avec son fil conducteur –la disparition et ses rapports avec l’idée de fécondation- mais aussi ses petits chemins de traverse –la préparation de la fete, les amours adolescentes avec la scène très émouvante du baiser- ce qui le rend plus agréable à suivre. Kawase évite constamment le double écueil de la distance trop froide et de l’exçès de pathos, leur préférant une légèreté jamais mièvre. Autre écueil évité, celui trop évident de la fécondation-belle scène d’accouchement- comme substitution à l’etre disparu, la naissance ne comble pas un vide, elle crée simplement d’autres rails où l’existence peut s’insérer pour avancer. Un peu comme Kawase permet par son regard documentaire à une idée du cinéma japonais de l’age d’or d’éviter de se figer donc lui offre une (sur)vie autre.

Vie qui est aussi la sienne –le film doit également à son expérience de la grossesse- cette fois bien intégrée à la fiction, offrant un film ancré dans sa nation mais dépassant cet ancrage pour tendre à l’universel. Son stakhanovisme derrière la caméra (cf article sur la Rétrospective de la Gallerie du Jeu de Paume) n’aura donc pas été inutile pour qu’elle confirme sur format long les espoirs suscités par ses courts et ses documentaires.

Tous mes remerciements à Paris Cinéma.



24 janvier 2004
par Ordell Robbie




Etrange

En effet le postulat de Shara est la disparition d'un jumeau dans une famille banale de Nara ; en fait on assiste à une tranche de vie d'une famille japonaise. Alors bien sûr le film n'est pas exempt de longueurs et défauts cependant il devrait plaire sans difficulté à tous les amoureux du Japon. Certaines scènes comme celle de la fête locale où les jeunes dansent dans la rue, celle de l'accouchement ou encore lorsque la caméra suit le vélo du frère du disparu qui traverse plusieurs rues de la ville respirent l'ambiance de là-bas. Une vraie plongée au cœur du Japon.

Pour les défauts il y a bien sûr ces longueurs quasi-inévitables du fait que la réalisatrice KAWASE Naomi désire qu'on s'installe dans le quotidien de cette famille. Il y a également cette caméra qui bouge un peu trop par moment, du genre "regardez c'est filmé comme si on n'était pas là, c'est un reportage et pas un film", seulement même quand la caméra s'arrête d'être en mouvement, elle continue à trembloter sur place, c'est relativement énervant.

Shara n'est donc pas un chef d’œuvre et possède des défauts marquants dont certains sont cités ci-dessus, cela n'empêchera pas les amoureux du Japon d'apprécier l'ambiance générale qui se dégage du film.



20 mars 2004
par Junta




Joliment intimiste

Shara est une étonnante plongée dans un Japon profond - rarement filmé comme ça, avec ses petites ruelles, ses intérieurs traditionnels, ses fêtes typiques et ses habitants lambda confrontés aux rudesses et aux bonheurs de la vie. Caméra à l'épaule, Kawase parvient à capter de jolis moments de cinéma, se regarde parfois un peu trop filmer et n'évite pas les longueurs, mais le ton et le rythme, autrement plus enthousiasmant que dans son pensum Moe no Suzaku, permet au spectateur de se familiariser avec cette petite famille pas très bavarde. Attention cependant : la scène de fête ne dure que 10 minutes, s'imposant comme pierre angulaire du film, mais pas du tout comme l'élément central que l'affiche peut laisser supposer. Shara est bien un pur film d'auteur relativement hermétique, qui ne plaira pas à tout le monde.



11 novembre 2007
par Ghost Dog




Présences sensibles

Les toutes premières images du film l'annonçaient pourtant clairement... Le cinéma de Naomi Kawase n'est pas celui de la narration. Rejetant le descriptif au profit de la mise en place d'une subtile mécanique de l'évocation, la réalisatrice se focalise sur la cellule familiale en adoptant une démarche de captation de l'instant. Les bouleversements engendrés par la disparition d'un être ne sont dès lors jamais mieux suggérés que par ce qui compose l'espace même dans lequel évoluent ces individus confrontés aux blessures du passé. Espace dans lequel la caméra, prolongement de l'œil de la réalisatrice, se déplace avec une subtile vivacité visant à capturer l'instantané sans artificialité aucune.

Cinéma de la contemplation ? Certainement pas. Au contraire, l'œuvre de la cinéaste est affirmation de l'environnement en tant que corps cinématographique et ne saurait en aucun cas réduire le paysage à l'état de simple décor. Positionné comme lieu de connaissance du monde, le paysage se fait renforcement d'une réalité et induit dès lors un rapport fort entre les hommes et leur environnement.

Cinéma de la sensibilité ? Cela est plus probable. Si, comme Jonas Mekas, Naomi Kawase pose son regard sur des instants du monde et inscrit son œuvre dans un cinéma du personnel, les vibrations perçues à l'image ne sont pas tant celles de la caméra que de son regard. Quand la réalisatrice filme les espaces vides, c'est pour faire vivre ces objets hantés par les souvenirs du passé. L'environnement acquiert, comme chez Jean-Daniel Pollet, une dimension humaine. Le paysage vit sans l'homme et s'affirme dès lors comme présence sensible témoignant d'un morceau de l'histoire du monde.

02 janvier 2008
par Aurélien


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